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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S3 Episode 5

25/12/2021 – Noël

Lecture de l’évangile : Amélie

Homélie : Mathilde

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Is 52, 7-10 Ps 97 He 1, 1-6 Lc 1, 1-18 (Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

J’ai toujours eu envie de croire. Envie d’y croire. Et puis je suis traversée parfois par cette pensée, qu’il faut « le voir pour y croire » Mais Dieu, personne ne l’a jamais vu. Le problème, c’est que la croyance m’apparait peu. Alors, je suis partie chercher, partout, en marchant, en volant par dessus des nuages, à l’autre bout du monde. Je suis entrée dans des grandes bâtisses en pierres, parfois pleines, parfois vides. Souvent réconfortantes. Une fois, l’une d’elle m’a accueillie alors que j’affrontais la pluie. Je ne l’ai jamais autant chérie. Je suis même allé dans un cloître, m’enfermer seule et affronter les messes de 5h du matin à 20h le soir pour me mettre à l’épreuve. Nous passions notre temps à parler de quelqu’un, quelque chose, qui n’était pas là, qui ne s’adressait à nous. C’était si dur. A table, j’ai ce souvenir que nous ne nous regardions pas. Un vœu de silence était acté entre nous, et nos regards fuyants se regardaient occasionnellement. C’était électrique. Lorsque nos yeux ou nos voix se rencontraient c’était un événement incroyable. Comme apprendre à marcher. Retrouver le goût de parler, de se voir. Je parlais en secret avec la femme de ménage amusée dans les espaces communs. Je soupçonnais de n’être pas la seule à trouver en elle une écoute et des mots attentifs. Mais Dieu, là-bas,personne ne l’a jamais vu. Un soir, avant la date de mon départ, j’ai craqué. Je suis monté sur le bureau de ma cellule pour être le plus près de la fenêtre possible. Sans cette mise en place, mon téléphone, que j’avais éteint depuis quelques jours, ne captait pas. Je disais à mon amie au téléphone que je voulais partir. Que je n’en pouvais plus de ce silence. Le silence me pesait. Pendant cet appel, alors que mon sac était prêt sur mon lit, un orage a éclaté. Histoire vraie. Un orage inarrêtable m’empêchait soudainement de partir. La pluie toute la nuit tapait fort contre ma fenêtre. On me rappelait à l’ordre. Le lendemain, assurée, mais pas trop, je partais. En espérant ne croiser personne. Je me suis mise à courir avec mon sac à dos sur les épaules dans les bois… Cette joie de partir. Je criais dans les bois qui me ramenaient en ville. Cette joie. Je ne me souviens pas dans ma vie d’adulte d’avoir eu une joie pareille. Et Dieu, toujours, que personne n’a jamais vu. Alors, pourquoi pas ce soir? Une exception, juste ce soir, juste pour moi, pour me confirmer que tout ce que je vois n’est pas que chimie et palpable, que tout ce qui existe n’est pas que réel. Voir tout ce que je ne vois pas. Où faut il aller? Dis le moi, j’irai. S’il faut que ce soit dur et pénible, j’irai. S’il faut que ce soit simple, au détour d’une rue, j’irai. Je me dis que je suis prête, qu’il n’y a « plus qu’à » mais pourtant, rien ne se passe. Dieu, personne ne l’a jamais vu. Pourtant, en moi : la vie. La vie en moi m’indique que tout bouge continuellement, que tout continue, et que, même si la vie en moi s’arrête, la vie autour continuera. J’ai un doute parfois, tout me parait tellement tourner autour de moi. Et si ma disparition créait la fin du monde? Comment le monde pourrait continuer sans moi? Le monde a bien continué de tourner sans Toi, présent ici. Gloire a ceux qui croient. Ceux qui ont le courage de croire sans voir. Parfois, je crois. En ceux qui m’entourent, j’ai confiance. Ils m’inspirent de la confiance. Parfois, j’ai peur de leur confier trop de confiance et d’être déçue, mais étonnamment, même quand ils me déçoivent, la suite ne me déçoit pas. Je comprends, que j’aurais dû donner différemment, et du coup, la fois d’après, j’essaie de faire mieux. Pourquoi – a quel moment- s’est t on retrouvé tout seul? Souvent, je vois, je ne peux pas le nier, les signes qui m’entourent et qui me montrent les gens à suivre, les choses à faire. Je crois ce que je vois. Et je vois. Alors qu’est-ce que j’attends d’autre pour croire ? Pourquoi ça ne me suffit pas ? Tout ce chemin pour essayer de trouver quelqu’un, quelque chose, que personne ne voit jamais.. qu’est-ce que ça veut dire ? Je reste là, mouvante, accueillant tout ce qui me vient de l’extérieur. En espérant.

Mathilde

Mathilde est une artiste de spectacle, metteuse en scène, comédienne et réalisatrice.