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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S3 Episode 9

16/01/2022 – 2e dimanche du temps ordinaire

Lecture de l’évangile : Amélie

Homélie : Laure Pastoureau

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Is 62, 1-5
Ps 95
1 Co 12, 4-11
Jn 2, 1-11
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Bonjour à toutes et à tous,
En ce 2ème dimanche du Temps Ordinaire, il nous est proposé d’entendre le récit des Noces de Cana. Que vient donc faire cette histoire de mariage dans la suite de Noël et de l’Epiphanie ? Quel sens pouvons-nous encore y entendre aujourd’hui, alors que la théologie du mariage semble dépassée dans l’Eglise catholique romaine ? Nous voici au début de l’Evangile de Jean, et Jésus, invité à un mariage, transforme de l’eau en vin ! Ce commencement du ministère public de Jésus se rattache à Noël car il s’agit d’une « manifestation de Dieu, de sa gloire ». On entend en effet, alors que les invités sont tout étonnés de la qualité du vin servi en fin de repas, « il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui ». Cette discrète théophanie fait suite à celle des 2 derniers dimanches, l’Epiphanie et le Baptême de Jésus ; ces 3 manifestations de Dieu mettent toutes en perspective le mystère de l’Incarnation célébré à Noël, Dieu fait homme, Jésus vrai homme et vrai Dieu, « sans confusion ni changement, sans division ni séparation » (Concile de Chalcédoine, 451). Lors de l’Epiphanie, les symboles des offrandes nous révèlent un roi (l’or), un dieu (l’encens) et un corps humain (la myhrre). Lors du baptême de Monsieur Jésus de Nazareth, les cieux s’ouvrent et une voix céleste proclame, « tu es mon Fils Bien aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ». A présent, la liturgie nous propose une 3ème théophanie, celle de l’alliance entre l’humanité et ce Dieu incarné, et par lui la Trinité ; et cet échange admirable, symbolisé par l’eau et le vin, nous fait comprendre que notre Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu. Dans la succession de ces 3 théophanies, la liturgie a mobilisé moultes symboles scripturaires et orchestré une montée en puissance pour nous donner d’entrevoir, et la grandeur du mystère de l’Incarnation, et ce à quoi il nous invite.
Entrons donc maintenant dans la scène de ces noces, dans la joie de cette fête. Pour cela, nous pouvons considérer le tableau du peintre Véronèse « Les Noces de Cana ». Il est très facile à trouver au Musée du Louvre, on ne peut pas le rater en prenant la direction « Peintres italiens / La Joconde ». Dans la salle Il remplit tout entier un mur immense, et pour ainsi dire, il déborde le mur, tellement il y a d’invités convoqués au festin. Et ces invités c’est nous. C’est l’ouverture du ministère public de Jésus, et il nous invite chacune/chacun à son alliance nouvelle. Véronèse a décliné toute une palette de nuances dans son tableau, ainsi que des types de vêtements aussi bien d’Orient que d’Occident. Nous pouvons donc nous sentir tous accueillis, chacune, chacun, quelle que soit notre couleur spirituelle dans cet arc-en-ciel. Et cet accueil est débordant, puisque les 6 jarres qui contiennent environ 600 litres d’eau (prévues pour les ablutions sanitaires de l’époque) sont transformées en 600 litres de vin. Or le vin est un attribut divin dans la religion juive. Autant dire que la bénédiction divine coule à flot.
Par ailleurs, il est à peine fait mention du marié, et la mariée on n’en parle même pas. Car en fait, dans une lecture symbolique et mystique, la mariée c’est nous, notre âme, et Jésus est l’Epoux. Du début à la fin de ses textes, l’évangéliste Jean nous donne en effet de considérer le Christ dans une relation nuptiale, en commençant par Jean-Baptiste qui proclame au début de l’Evangile qu’il est « ravi de joie en entendant la voix de l’Epoux qui vient » et en finissant à la fin de l’Apocalypse par la mention de la Jérusalem céleste (c’est-à-dire notre humanité réconciliée avec elle-même et avec Dieu) « qui s’est faite belle pour son Epoux ». Une telle lecture typologique de la conjugalité peut avoir bien des écueils. Comme le relève A.-M. Pelletier dans son dernier livre (L’Eglise et le féminin) cette vieille tradition spirituelle associe l’image de Dieu époux au masculin tandis que la moindre humanité épousée est associée à un « moindre » féminin. Dans les mentalités de l’époque où ces textes ont été écrits, la subordination des femmes était « un lieu commun, une pièce inamovible de l’ordre sociétal, une évidence qui se vit comme on respire ». Aujourd’hui, pour qui vit au XXIème siècle, les références anthropologiques sont toutes autres : émancipation des femmes, nouveau statut du célibat, reconnaissance des personnes homosexuelles et de leurs unions, des personnes divorcées et même disparition du mariage ; à nous donc de savoir lire autrement ces textes, en les remettant dans leur contexte et en faisant une place à chacun-e dans une lecture non-exclusive. Car l’invitation de Jésus le Christ à entrer dans son alliance demeure fondamentalement pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

Laure Pastoureau

Laure, spirituelle et engagée, formée en théologie, anime un groupe de méditation biblique, tout en menant une vie professionnelle intense. Elle aspire à une réforme de fond pour que l’Eglise soit plus en phase avec son temps et avec sa mission.