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Bonne
Nouv.elle
!
— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.
S3 Episode 13
13/02/2022 – 6e dimanche du temps ordinaire
Lecture de l’évangile : Amélie
Textes du jour
Jr 17, 5-8
Ps 39
1 Co 15, 12.16-20
Lc 6, 17.20-26
(Lire les textes sur aelf.org)
Le texte de l’homélie
Le texte du jour m’a été particulièrement difficile à entendre et à lire. En effet, à la première lecture de l’évangile de Luc, je me suis dit que le Royaume du Christ m’était fermé. Dans ce passage, Jésus y annonce que les gens riches, repus, qui sont bien vus de la société – donc au fond les gens heureux, n’accèderont pas au Royaume de Dieu. Jésus leur oppose les pauvres, ceux qui ont faim, ceux que les hommes excluent et insultent ; qui sont eux, destinés à être reçus dans ce Royaume. Le problème, c’est que j’ai l’impression de rentrer dans la première catégorie de personnes.
Je suis une jeune femme en bonne santé, je ne manque de rien, je peux vivre ma foi sans danger et je passe au moins la moitié de mes journées à rire. Force est de constater que ce discours de Jésus met en lumière tous les privilèges dont je dispose. A première vue, ne ferais-je pas partie de ces gens qui sont heureux ici bas uniquement parce qu’ils n’auront pas
accès au vrai bonheur, donc au Royaume de Dieu ?
Si on poursuit ce raisonnement de manière radicale et surtout littérale, il faudrait, pour pouvoir rentrer au Royaume du Christ : céder tous ces biens, abandonner toute forme de richesse, manquer de nourriture et être malheureux. Le programme est donc peu
réjouissant. Et plus encore, qui oserait dire à une personne non entourée, sans domicile, survivant au quotidien : « Mais réjouissez-vous, votre place est au Royaume du christ ! »
La lecture se délie tout de même et se comprend mieux quand Jésus précise que ces gens misérables le sont « à cause du fils de l’homme ».
La radicalité de ce discours pourrait être la façon dont il faudrait le comprendre et l’appliquer.
Cela dit, je voudrais vous en proposer une autre lecture, plus nuancée cette fois-ci. Pour deux raisons : la première, la radicalité me mettrait déjà hors jeu donc ça ne m’arrange pas ; et surtout je pense qu’on trouve dans cette nuance toute la force de la résurrection du Christ et du pardon de nos pêchés qui sont évoqués par ailleurs dans l’épitre aux Corinthiens. En effet, cet épitre souligne que, par la résurrection en Christ, la foi en lui et la pratique de cette foi, le royaume est déjà gagné.
Allons donc plus loin dans la lecture. Les riches de l’époque sont en fait les riches et les puissants, donc ces mêmes personnes aujourd’hui, ceux à qui le système socioéconomique actuel profite. Les repus et ceux qui rient peuvent représenter ceux qui vivent bien dans ce système, qui considèrent que tout va bien, quitte à fermer les yeux sur les inégalités, sur les nécessaires évolutions de la société, sur les horreurs qui sont encore permises et sur le réchauffement climatique. Et ceux dont les autres disent du bien sont ceux qui vivent pour la reconnaissance humaine, qui se complaisent dans une forme de bienséance et une bienpensance
qui sont en fait superficielles.
Je me rends compte que je corresponds toujours, par certains aspects, à ces personnes repus, à celles qui rient, ou à ceux dont les autres disent du bien. En revanche, ce qui vient me donner une chance est la recherche du Christ dès maintenant et l’envie de le placer avant les considérations humaines dans ma vie. L’enjeu est en fait de cheminer pour se rendre digne du Royaume du Christ en appliquant sa foi au quotidien. Par appliquer sa foi au quotidien, je pense tout simplement à des gestes d’amour à différentes échelles et surtout des gestes qui vont nous lier avec les pauvres, ceux qui ont faim et ceux qui sont rejetés à cause du fils de l’homme : un sourire à une inconnue, une attention portée à une personne que d’autres refusent d’entendre ou de voir, le soutien d’une personne dans la précarité, le réconfort d’amis tristes, mais aussi l’humilité, le pardon et l’éducation dans la bienveillance des autres personnes qui se retrouvent dans la première catégorie du discours de Jésus. Et dans ce cas, le bonheur et les rires que l’on vit au quotidien peuvent aussi être une façon de rendre grâce pour tant de richesse que l’on a dans l’amour du Christ, plus que dans l’argent ou la bonne réputation.
Par ailleurs, dans l’idée de se rendre digne de ce royaume du Christ, le fait même de prendre conscience qu’on fait partie des riches sur certains aspects peut être un premier pas. Ce cheminement qui n’est pas facile implique une réflexion, une forme d’introspection, mais aussi un vrai travail quotidien. Je me rends d’abord compte de mes privilèges de personne propre sur elle, bien éduquée, bien vue par la société ; et à la suite du Christ, j’essaie de faire mieux pour répondre à cette soif de plus d’amour et de solidarité sociale :
– En défendant ceux qui , pour réduire leur consommation carbone deviennent
végétariens ou arrêtent de prendre l’avion, devant des personnes qui refusent
d’accepter la réalité du réchauffement climatique ou qui se permettent de les juger.
– Contre le racisme en ayant la force de dire « non je ne rigolerai pas à ta blague
raciste » au risque de casser l’ambiance et en ayant la patience de m’éduquer moi-même et mes propres amis là-dessus,
– Contre la misogynie qui va plus loin que des blagues vaseuses ou les inégalités
salariales, en réagissant quand une jeune femme se fait encore dérangée dans les
transports ou dans la rue, et en se rangeant du côté de celles et ceux qui manifestent contre les féminicides et des féministes dans une société qui – sous couvert de moqueries, refuse d’écouter leurs discours qui pourraient renverser l’ordre actuel,
– Et plus généralement contre les traitements inhumains cautionnés par un système bancal.
Et dans ces différents aspects et à travers bien d’autres, chacun avance à son propre rythme pour se rendre plus digne du Royaume du Christ. Je pense aussi que la patience et la bienveillance sont deux clés de ce cheminement. Bienveillance envers les pauvres bien-sûr, mais aussi et surtout patience et bienveillance envers les autres, ceux qui ont plus de difficultés à sortir de leur confort, qui cheminent à nos côtés et bienveillance et patience envers nous-même.
Finalement, si l’on s’appuie sur nos privilèges pour marcher à la suite du Christ aux côtés des malchanceux, de ceux qui sont moqués, de ceux qui osent refuser un système en manque d’amour et de solidarité, alors peut-être que le Royaume du Christ est aussi pour nous. ↓
Rojo
 
			