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Bonne
Nouv.elle
!
— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.
S4 Episode 6
30/12/2022 – Sainte famille
Lecture de l’évangile : Eloïse
Textes du jour
Le texte de l’homélie
Qui aimons-nous ? Qui est mon nous ?
Il y a les comme il faut, les gens normaux, les sans questions, le neutre universel, le confort de l’évidence. Bref, il y a les hétéros.
Il y a la cour de récré, il y a ce qu’on voit à la télé, ce qu’on nous dit depuis qu’on est bébé. Il y a la société, la virilité, le prêt-à-aimer, prêt-à-désirer. Un garçon-c’est-pas-fait-pour-pleurer, non madame, un garçon-c’est-pas-fait- pour-se-faire-enculer, non monsieur, pas fait pour se faire sodomiser, surement pas non, un garçon c’est fait pour pénétrer un vagin, ça c’est masculin !
“Circulez, pas de place pour le doute, épargnez-nous l’affront de la question”, c’est comme ça depuis Adam et Eve, les hommes ça aime les femmes, les femmes ça aime les hommes, quoi de plus naturel ?
Et puis, ça apparaît petit à petit, touche après touche, doute après doute. Un désir qui ne se nomme pas encore, alors on fait semblant. Une connivence virile qui ne passe pas, alors on fait semblant. Un vague sentiment d’étrangeté, d’à côté, alors on fait semblant. Un doute bien ancré qui se transforme bientôt en secret, en haine intériorisée, tapie bien au fond de soi. Ne pas l’écouter non, j’ai dû me tromper, me fourvoyer, mal regarder, une bonne nuit et on n’en parle plus.
Ça revient. Un peu trop souvent. Pas bien à l’aise. Me voilà dégoûté par mon propre désir. Honteux de mon propre élan. La honte. Pitié pas moi. Ça ne devrait pas. On oublie tout, on refoule tout et on ne le dira pas. Secret bien gardé, chuuut, pas fuiter.
Ça dure un temps, puis on n’en peut plus de faire semblant. De vivre amputé d’un bout de soi. Ça dérange, démange, s’impose, fait du bruit. Alors, pour commencer, nommer : qui aime-je ? Puis accepter qui j’aime. Puis assumer qui je suis. Puis revendiquer pour exister : Laissez-moi vivre, laissez-moi être, laissez-moi désirer, laissez-moi aimer, laissez-moi me faire enculer en paix. Vous qui vous baignez dans les eaux calmes de la normalité. Vous, la majorité. Nous, la minorité. A moi, la marginalité.
J’en ai eu peur de cette marginalité, je n’en ai pas voulu, difficile à accepter : j’suis pas pd !
Elle m’a posé question, pris du temps à explorer, à me l’approprier, cette vie à la frange, sur le bas-côté du chemin dessiné par papa-maman. Peut-on être heureux à la lisière ? Peut-on danser sur une bordure ? Peut-on aimer à l’orée ? Ok, j’suis pd.
Elle m’a pris du temps à construire, à explorer, cette chambre à moi, ce territoire souverain de survie, ce chez-moi où je suis moi, cette fierté, fini de s’excuser : oui, j’suis pd !
A la lisière du monde, là-bas dans la forêt, des filles embrassent des filles à l’abri ; des garçons caressent les fesses d’autres garçons ; des garçons aiment des filles qui sont des garçons. Dans la forêt, les fils ressemblent à des filles, les filles s’en foutent des fils, les frères ont tué le père et ils n’auront pas de fils.
Dans notre forêt, les garçons sont des filles qui aiment les filles qui sont des garçons, des fillarçons jouissent avec des garçilles. Les langues se délient, les gestes relient. Ici, les questions se bousculent, les évidences flanchent, le refuge se renforce, la lutte s’organise, la fête redouble, la fête paillette, la fête conquête. Bas les masques, loin des frasques : nouvelle famille, notre nous.
Une lisière comme un refuge, une faille comme une fête, une marge comme une bonne nouvelle : Merci, j’suis pd !
Loin de vous, nous nous aimons. Maintenant, de vous à nous, que tissons-nous ? ↓
Il y a les comme il faut, les gens normaux, les sans questions, le neutre universel, le confort de l’évidence. Bref, il y a les hétéros.
Il y a la cour de récré, il y a ce qu’on voit à la télé, ce qu’on nous dit depuis qu’on est bébé. Il y a la société, la virilité, le prêt-à-aimer, prêt-à-désirer. Un garçon-c’est-pas-fait-pour-pleurer, non madame, un garçon-c’est-pas-fait- pour-se-faire-enculer, non monsieur, pas fait pour se faire sodomiser, surement pas non, un garçon c’est fait pour pénétrer un vagin, ça c’est masculin !
“Circulez, pas de place pour le doute, épargnez-nous l’affront de la question”, c’est comme ça depuis Adam et Eve, les hommes ça aime les femmes, les femmes ça aime les hommes, quoi de plus naturel ?
Et puis, ça apparaît petit à petit, touche après touche, doute après doute. Un désir qui ne se nomme pas encore, alors on fait semblant. Une connivence virile qui ne passe pas, alors on fait semblant. Un vague sentiment d’étrangeté, d’à côté, alors on fait semblant. Un doute bien ancré qui se transforme bientôt en secret, en haine intériorisée, tapie bien au fond de soi. Ne pas l’écouter non, j’ai dû me tromper, me fourvoyer, mal regarder, une bonne nuit et on n’en parle plus.
Ça revient. Un peu trop souvent. Pas bien à l’aise. Me voilà dégoûté par mon propre désir. Honteux de mon propre élan. La honte. Pitié pas moi. Ça ne devrait pas. On oublie tout, on refoule tout et on ne le dira pas. Secret bien gardé, chuuut, pas fuiter.
Ça dure un temps, puis on n’en peut plus de faire semblant. De vivre amputé d’un bout de soi. Ça dérange, démange, s’impose, fait du bruit. Alors, pour commencer, nommer : qui aime-je ? Puis accepter qui j’aime. Puis assumer qui je suis. Puis revendiquer pour exister : Laissez-moi vivre, laissez-moi être, laissez-moi désirer, laissez-moi aimer, laissez-moi me faire enculer en paix. Vous qui vous baignez dans les eaux calmes de la normalité. Vous, la majorité. Nous, la minorité. A moi, la marginalité.
J’en ai eu peur de cette marginalité, je n’en ai pas voulu, difficile à accepter : j’suis pas pd !
Elle m’a posé question, pris du temps à explorer, à me l’approprier, cette vie à la frange, sur le bas-côté du chemin dessiné par papa-maman. Peut-on être heureux à la lisière ? Peut-on danser sur une bordure ? Peut-on aimer à l’orée ? Ok, j’suis pd.
Elle m’a pris du temps à construire, à explorer, cette chambre à moi, ce territoire souverain de survie, ce chez-moi où je suis moi, cette fierté, fini de s’excuser : oui, j’suis pd !
A la lisière du monde, là-bas dans la forêt, des filles embrassent des filles à l’abri ; des garçons caressent les fesses d’autres garçons ; des garçons aiment des filles qui sont des garçons. Dans la forêt, les fils ressemblent à des filles, les filles s’en foutent des fils, les frères ont tué le père et ils n’auront pas de fils.
Dans notre forêt, les garçons sont des filles qui aiment les filles qui sont des garçons, des fillarçons jouissent avec des garçilles. Les langues se délient, les gestes relient. Ici, les questions se bousculent, les évidences flanchent, le refuge se renforce, la lutte s’organise, la fête redouble, la fête paillette, la fête conquête. Bas les masques, loin des frasques : nouvelle famille, notre nous.
Une lisière comme un refuge, une faille comme une fête, une marge comme une bonne nouvelle : Merci, j’suis pd !
Loin de vous, nous nous aimons. Maintenant, de vous à nous, que tissons-nous ? ↓
Charles Deffrennes

Dans ma famille, on est catholique, bourgeois, de centre droit et hétérosexuel par habitude. Heureusement, un jour, ça a basculé.
Maintenant, je raconte des histoires dans un collectif, la Cour des Contes , et je prends soin de mes nouvelles familles, celles qu’on choisit.