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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S4 Episode 8

08/01/2023 – Epiphanie

Lecture de l’évangile : Flore

Homélie : Flo

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Is 60, 1-6
Ps 71
Ep 3, 2-6
Mt 2, 1-12
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Ce passage, je le connais par cœur. Parce que ma famille faisait une crèche vivante chaque année. Nous étions une famille nombreuse, on tournait dans chacun des rôles. Et chaque Noël, de 16h à 21h, on jouait encore, encore, encore, en boucle, la nativité, toutes les 20 minutes, sur une bande son pré-enregistrée.
Alors quand je lis ce passage, immédiatement, je me retrouve dans une église, je me souviens
l’odeur de la structure en bois qui figurait la crèche, la paille, les vieux déguisements en laine, la texture des robes que nous portions qui grattaient un peu. Et je me souviens les mots que j’ai entendus en boucle à Noël, pendant plus de dix ans. Pour être tout à fait honnête, c’était une traduction différente. Mais je me souviens encore l’intonation des acteurs : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l’adorer ». L’année où j’étais Hérode, je devais alors croiser les bras et mimer une grande perplexité quand les mages m’annonçaient qu’ils cherchaient le roi des juifs. Alors que c’était moi le roi. Que les juifs étaient sous domination romaine. Puis je répondais ces mots fourbes à chaque fois, où je prétendais que j’avais de très bonnes intentions concernant ce bébé. « Quand vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j’aille moi aussi l’adorer ».
Les gens venaient, des gens de notre religion, des gens d’autres religions, des athées, des gens qui n’avaient rien à faire ce soir-là. Et puis un jour, ma mère en a eu assez de passer ses Noëls à faire ça, et a laissé les autres s’impliquer. Notre famille a arrêté de faire la crèche vivante. J’avais 20 ans je crois quand ma mère a dit stop. La crèche, je l’ai jouée enfant, adolescente et adulte.
L’homélie d’aujourd’hui, ça aurait sans doute dû être une homélie sur l’adoration, où j’aurais évoqué des gens qui ont traversé des pays pour adorer un enfant. Des gens qui ont eu la foi, qui ont trouvé dans des signes ésotériques, astronomiques ou astrologiques, l’annonce de la naissance du Christ. J’aurais pu parler de la rencontre des croyants de différentes religions, parce que j’imagine que ces mages n’étaient pas juifs. Mais pour moi, ce passage me rappelle le jour où ma mère a décidé qu’elle avait fait assez. Je ne regrette pas ces soirées, j’ai adoré jouer le roi Hérode, un mage, marie, joseph, Elisabeth, un berger ou l’ange de l’annonciation. J’ai adoré rester cachée derrière le rideau pour brancher le ventilateur sur ma sœur quand elle jouait l’ange aux longs cheveux blonds. J’ai adoré l’année où un vrai bébé est resté un peu avec nous pour être Jésus à la place du bébé en plastique, et comment on s’est agenouillé devant lui toutes les 20 minutes et comment certains d’entre nous étaient réellement touchés à chaque fois. J’ai vraiment adoré. Mais je reconnais aussi le besoin que nous avons de ne pas nous épuiser et de former des communautés religieuses où nous alternons. Et je parle de communauté religieuse, mais en fait ça s’applique à tous les domaines de notre vie, nos communautés associatives, militantes, citoyennes. Je pense que c’est important que nous formions des communautés où nous avons l’intelligence de transmettre nos connaissances, nos compétences, les responsabilités, des communautés où nous pouvons prendre des pauses et nous relayer. Je pense que c’est non seulement une question d’épuisement des personnes, mais aussi une question de pouvoir donner des opportunités à différentes personnes. Et je ne remets en cause ni la joie qu’on a pu apporter à d’autres personnes, ni la joie que ça nous a apportée, ni les compétences et le travail que ça a demandé à beaucoup de personnes, notamment mes parents. Mais je ne peux pas m’empêcher de me dire que peut être ça aurait été différent si on avait été un peu moins impliqués pendant toutes ces années, et si on avait pu tourner, avant que ça en arrive à un stade où quelqu’un avait du ressentiment (?).
Alors c’est un peu mon mot de la fin, mon vœu. C’est mon vœu que nous fassions des communautés qui ne s’épuisent pas. Parce qu’une fois qu’ils sont venus adorer le Christ, je m’en souviens très bien, les rois mages sont rentrés chez eux et ont repris leur vie. On nous dit qu’ils ont évité Hérode, et sont repartis par un autre chemin.

Flo

J’opère sur internet sous le pseudonyme de Queer Chrétien-ne où je parle d’une lecture queer-inclusive de la bible. Je suis convaincue que la foi n’est pas un choix et que les personnes queers qui ont la foi devraient avoir accès à une théologie qui les soutient dans leur vie de personne LGBTI+.
J’ai 35 ans, je suis bisexuelle, j’ai deux enfants et je suis chrétienne. Dans la vie civile, je fais un doctorat en géochimie.