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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S4 Episode 9

15/01/2023 – 2e dimanche du temps ordinaire

Lecture de l’évangile : Marina

Homélie : Christine Pedotti

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Is 49, 3.5-6
Ps 39
1 Co 1, 1-3
Jn 1, 29-34
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

La fête du baptême de Jésus clôt le cycle liturgique de Noël. C’est là un premier paradoxe car on voudrait plutôt y voir le début de la vie publique. Le premier mais pas le seul même s’il est sans doute la clé d’explication des autres particularités de cette fête.
En effet, le baptême de Jésus et certainement l’un des moments de l’Évangile qui posent le plus de questions et sans doute depuis l’origine. Il est rapporté par les 4 évangiles, chaque fois de façon assez différente. Chacun des quatre rédacteurs tente d’expliquer ce qui finalement est un peu inexplicable : pourquoi Jésus décide-t-il d’aller recevoir le baptême de Jean.
En effet, en recevant ce baptême Jésus lui-même place Jean dans une position de préséance de la suprématie. C’est une chose délicate à interpréter pour les premiers croyants et les premières communautés alors qu’il restait des disciples du Baptiste qui d’une certaine façon était des concurrents de la première annonce évangélique.
Pourquoi donc rapporter cet évènement. Le paradoxe, c’est que ce baptême de Jésus par Jean, selon les critères de l’exégèse moderne est l’un des épisodes qui présente le plus de garanties historiques. D’abord parce que les quatre évangiles le rapportent et puis parce qu’il répond aux critères dits « d’embarras ». En effet, c’est un événement embarrassant et si les évangélistes avaient pu se dispenser de le rapporter, ils l’auraient fait. Mais sans doute, le caractère avéré, connu du baptême de Jésus par Jean était-il trop bien établi. C’était un fait public. Et à défaut de le passer sous silence, les évangélistes vont devoir l’interpréter et le comprendre.
Ce texte est complexe parce qu’il interroge la nature de Jésus. Jean Baptisait pour le pardon des péchés. Jésus avait-il besoin de ce pardon ? Naturellement nous répondons non. On peut penser que ce qui est important ici, c’est la manifestation de Dieu, la voix, la colombe, l’Esprit, comme dans ce texte. Mais là apparaît une nouvelle difficulté : y aurait-il un avant et un après. De là à dire que Jésus serait un homme « adopté par le Père », qui recevrait la grâce, l’Esprit, lors du baptême, il n’y a qu’un pas aisé à franchir. Bien sûr, l’Évangile de Jean a pris des garanties en commençant par son Prologue grandiose : « au commencement était le Verbe… » Et la finale du texte veut aussi lever toute ambiguïté par la confession de foi du Baptiste lui-même : « Moi, j’ai vu, et je rends témoignage »
Mais tout doute n’est pas levé. C’est donc bien la question de l’humanité et de la divinité de Jésus qui est débattue dans cet épisode du baptême et c’est en cela aussi qu’il est embarrassant et dérangeant : il met en jeu notre compréhension de Dieu.
C’est là qu’il est utile de revenir au premier propos : ce texte appartient liturgiquement au temps de Noël, à la manifestation de l’Incarnation. La puissance de l’hymne de la lettre aux Philippiens nous revient aux lèvres : « Lui qui était de condition divine ne retint rien de ce qui l’égalait au Père. Semblable aux hommes, reconnu homme par son aspect, il s’est abaissé… »
Cet abaissement, la théologie dira savamment « kénose » commence dès l’enfantement, au premier vagissement du nouveau-né. Et peut-être même avant, puisque Luc inscrit la naissance de Jésus dans l’histoire du recensement du César romain. Presque avant son premier cri, il est inscrit dans le livre comptable de Rome, il est « compté parmi les pécheurs ». D’ailleurs, il sera circoncis : le Fils de Dieu est aussi fils d’Abraham, et sa mère devra se prêter au rite de la purification au Temple.
Le baptême de Jean s’inscrit dans ce cadre. C’est ainsi que les évangélistes veulent le faire comprendre. C’est ainsi qu’ils surmontent la difficulté.
Ce texte appartient au cycle de la naissance et au mystère de l’incarnation ; Dieu est venu visiter son peuple, non comme un touriste, à distance, mais en prenant chair. C’est le cri des prophètes qui est entendu : « Ah si tu déchirais le ciel ». Eh bien oui, le ciel s’ouvre. En Jésus, le ciel et la terre s’embrasse. On ne pourra plus dire « Ah, si le bon Dieu savait ça ». Rien de ce qui est de la terre ne sera désormais étranger au ciel. Dieu sait. Ce qui est du ciel est aussi de la terre ce qui est de la terre et aussi du ciel et c’est à travers le corps même de Jésus que se font ces épousailles du ciel et de la terre.
Malgré tous nos désirs, le christianisme n’est pas une ode à la puissance de Dieu. Nous ne nous prosternons pas devant la toute-puissance. Tout au contraire, si nous continuons à lire l’hymne au Philippiens c’est bien devant Jésus « vrai homme », que tout genou fléchit.
Cet épisode, comme tout l’Évangile fait lever une immense question : Qui donc est ce Dieu qui abandonne sa puissance ?

Christine Pedotti

Christine Pedotti est une intellectuelle catholique française féministe, écrivaine, éditrice et journaliste, aujourd’hui directrice de la rédaction de Témoignage chrétien. Elle est l’auteure de nombreux succès d’édition autour des thématiques religieuses – fictions et essais dont une partie sous le pseudonyme de Pietro De Paoli. Chez Albin Michel, elle a publié récemment Jésus, l’homme qui préférait les femmes. En octobre 2022, elle cosigne avec Anne Soupa Espérez : Manifeste pour la renaissance du christianisme, (Albin Michel). Elle a engagé Témoignage Chrétien dans la lutte contre les abus dans l’Église et obtenu la convocation de la commission Sauvé (CIASE).