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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S4 Episode 13

12/02/2023 – 6e dimanche du temps ordinaire

Lecture de l’évangile : Marina

Homélie : Florence

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Si 15, 15-20
Ps 118
1 Co 2, 6-10
Mt 5, 17-37
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Les lectures d’aujourd’hui nous parlent de commandements, de fidélité à la loi, de choix entre la vie et la mort [« Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle » (Si 15, 15). « C’est bien de sagesse que nous parlons » (1 Co 2, 6). « Montre-moi comment garder ta loi, que je l’observe de tout cœur. » (Ps 118, 34)]
A première écoute, ces invitations m’inquiètent et m’oppressent, moi si peu désireuse aujourd’hui d’une liste de préceptes à suivre, d’une recette de bien-croyance. Une phrase pourtant m’accroche : « Je ne suis pas venu pour abolir mais pour accomplir ». « Je ne suis pas venu pour abolir mais pour accomplir » … ça sonne comme une promesse et me donne envie de relire, de réécouter ces textes, avec plus d’acuité. De quoi parlent-ils ? D’une loi faite de « merveilles » à « contempler » ; une loi de « sagesse » et de « profondeur » ; une loi qui donne la vie, qui rend « heureux ceux qui gardent ses exigences ». Je regarde Jésus inviter son auditoire – à l’époque et nous qui l’écoutons aujourd’hui – à « une justice qui surpasse celle des scribes et des pharisiens », une justice qui va plus loin que celle qui a cours : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens… eh bien moi, je vous dis… », scande Jésus. Est-ce qu’aller plus loin, c’est être plus royaliste que le roi, c’est ajouter encore des épaisseurs et du poids à la loi ?
Non. Dans cet évangile comme dans son exemple, Jésus nous présente une loi épurée. Il en redonne le sens, la direction. Il questionne nos choix, nos relations, la vérité de nos actes. Lui-même se met régulièrement à dos les scribes et les pharisiens – les docteurs de la loi – lorsqu’il guérit et libère au lieu d’observer le repos sacré, lorsqu’il parle aux minorités ostracisées, lorsqu’il touche les intouchables, lorsqu’il fête au lieu de jeûner… Lorsqu’il donne, en fait, la primauté à l’amour ! Car c’est bien cette nouvelle loi que Jésus nous propose, une loi « transfigurée », menée à son accomplissement.
Dans ma propre vie, il y a eu un déclic, un moment où j’ai vécu ce passage de la loi respectée avec rigueur à la loi accomplie avec et par l’amour. C’était en Algérie, où mon mari et moi passions une année. Nous habitions dans une maison jésuite. Dans cette maison, il y avait cet homme âgé et vif, toujours vêtu d’un pantalon de travail et d’une veste à poches renflées d’outils ; cet homme qui riait de tout son dentier, qui riait de la vie, qui riait de lui-même. Jusqu’alors, dans ma quête d’une foi authentiquement vécue, j’avais cherché à prier avec assiduité, à être droite, honnête, centrée. Je cherchais la vérité et la vie, mais je m’étais plantée de compréhension. Je cherchais à m’élever vers Dieu et, sur cette échelle casse-figure, le reste de l’humanité me semblait de trop. A la messe ou à l’office, lorsque je me recueillais et que d’autres faisaient du bruit, je me bouchais les oreilles et une part de moi les maudissait. Pendant les retraites en silence, si certains se parlaient ou me souriaient, je ne savais comment réagir. Je ne comprenais pas ceux qui se disaient chrétiens et faisaient la fête trop tard pour être debout pour l’office du matin. Je ne comprenais pas ceux qui préféraient les parvis relationnels aux assemblées recueillies. Quand j’y pense, j’étais comme ce pharisien debout devant et qui remercie Dieu de l’avoir fait droit et pur, lui qui prie, jeûne et verse le dixième de ce qu’il gagne – « pas comme ce publicain » dit-il de l’homme qui, humblement, dans le fond de l’église, prie Dieu de pardonner ses péchés.
Et puis il y a eu l’Algérie et j’ai rencontré Christian, ce vieux jésuite, cet homme heureux qui, lorsque la sonnette de l’entrée retentissait au milieu de la messe (dans notre petite chapelle), s’interrompait, allait ouvrir, accueillait chaleureusement l’ami musulman venu lui rendre visite, lui expliquait que nous étions en train de prier et lui proposait de s’installer au salon en nous attendant. Puis Christian revenait dire la messe et toute notre prière était alors comme éclairée, réchauffée, rendue plus vraie par cet amour vécu.
Ce trésor de la loi accomplie, ce trésor, Christian me l’a enseigné sans rien dire : c’est la primauté de l’amour, la primauté de l’Autre. C’est essayer d’aimer, et quand on n’y arrive pas, demander pardon et essayer encore.
J’étais dans l’erreur en faisant de ma foi une affaire uniquement spirituelle, que mon humanité entacherait ; je suis dans l’erreur à chaque fois que j’essaie de rejoindre Dieu en-dehors des autres, ou malgré les autres, et malgré moi-même. Car c’est notre humanité terreuse, notre humanité reliée, notre humanité poisseuse et délicieuse de vie, que Dieu a suscitée ; c’est cette humanité qu’il vient lui-même rejoindre.
J’ai envie de donner la parole pour terminer à Madeleine Delbrêl, qui nous invite à danser avec Dieu (1) :
Car je pense que vous en avez peut-être assez
Des gens qui, toujours, parlent de vous servir avec des airs de
Capitaines,
De vous connaître avec des airs de professeurs,
De vous atteindre avec des règles de sport.
De vous aimer comme on s’aime dans un vieux ménage.
Un jour où vous aviez un peu envie d’autre chose,
Vous avez inventé saint François,
Et vous en avez fait votre jongleur.
A nous de nous laisser inventer
Pour être des gens joyeux qui dansent leur vie avec vous.
Pour être un bon danseur, avec vous comme ailleurs, il ne faut
Pas savoir où cela mène.
Il faut suivre,
Être allègre,
Être léger,
Et surtout ne pas être raide.
Il ne faut pas vous demander d’explications
Sur les pas qu’il vous plaît de faire.
Il faut être comme un prolongement,
Agile et vivant de vous,
Et recevoir par vous la transmission du rythme de l’orchestre.
Il ne faut pas vouloir à tout prix avancer,
Mais accepter de tourner, d’aller de côté. (…)
Apprenez-nous à revêtir chaque jour
Notre condition humaine
Comme une robe de bal, qui nous fera aimer de vous
Tous ses détails comme d’indispensables bijoux. (…)
Seigneur, venez nous inviter.
(1) Dans “Nous autres, gens des rues”

Florence

Florence a 38 ans, elle est chrétienne comme on choisit la voie du plus de questionnement pour ne surtout pas s’endormir. Elle travaille dans l’Eglise catholique, ce qui ajoute des questions, souvent de la joie et souvent aussi de la colère.