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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S4 Episode 18

12/03/2023 – 3e dimanche de Carême

Lecture de l’évangile : Eloïse

Homélie : Clémence Pourroy

Et sur Anchor.fm, Spotify ou d’autres plateformes de podcasts.

Textes du jour

Ex 17, 3-7
Ps 94
Rm 5, 1-2.5-8
Jn 4, 5-42
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Les textes du jour nous amènent aux puits, aux sources.
L’une est asséchée. Dans la première lecture, tirée du livre de l’Exode, on lit « En ces jours-là, le peuple, manquant d’eau, souffrit de la soif. »
Et dans l’autre, le puits recèle l’eau de la vie éternelle.
Avant de plonger dans une interprétation sur la symbolique de l’eau, le rapprochement de ces deux textes me ramène à une réalité crue. Au jour d’écrire cette homélie, il n’a pas plu en France depuis plus de 30 jours. C’est absolument inédit.
Nos puits sont secs.
Cette réalité, comme l’ensemble des effets concrets du bouleversement écologique que nous constatons chaque jour, m’amène, moi aussi, parfois, au bord d’un puits.
Seule, comme la Samaritaine. Décalée, comme cette femme qui se rend au puits en plein soleil, alors que cette tâche s’accomplit plutôt aux heures fraiches de la journée.
Qui ne veut-elle pas croiser ? Quels regards préfère t’elle éviter ?
Ce puits, pour moi, est profond, noir, et sec donc.
Ce puits, c’est celui d’une certaine angoisse, face aux désordres du monde. C’est la peur concrète, non pas de manquer d’eau pour moi, car je vois dans quelle abondance nous persistons à vivre, mais celle que mes enfants, et leurs enfants après eux, connaissent cette soif, cette faim, cette souffrance. C’est la tristesse de savoir que déjà, dans le monde, des millions de personnes souffrent dans leur chair des conséquences dramatiques de nos inconséquences. De l’oubli que nous avons que la terre, grâce à la pluie, produit de la nourriture, et que cela est bon.
Ce puits, c’est le mal, dont je demande, parfois en vain, dans la prière des chrétiens, à être délivrée.
Ce puits enfin, c’est la sécheresse spirituelle, l’incapacité à espérer, à vivre chaque jour de l’amour de Dieu, à me réjouir chaque instant de ce qui est beau, pour ne garder que l’inquiétude.
Me voici donc, moi aussi, face à ce puits. Peut-être cela vous arrive t’il aussi. C’est vertigineux.
Mais voilà que, à cette heure creuse où je m’isole, où je ne veux _ ne peut ? – rencontrer personne, ou la colère contre certains modes de vie me coupe aussi un peu de mes contemporains, Jésus vient s’asseoir, lui aussi, au bord du puits. Il n’est pas là parce que je l’ai appelé, supplié de me rejoindre. Il est là parce qu’il a soif, lui aussi. Il a soif de me rencontrer, de nous rencontrer, de nous accompagner, de nous prendre la main dans ce chemin difficile.
Alors comment aborder cette rencontre ? comment répondre à l’appel de Jésus, et à ma propre soif ?
Comment accueillir cette présence inattendue, au cœur de mon angoisse ?
Peut-être la Samaritaine peut-elle me montrer le chemin. Quelle est sa réaction à l’adresse de Jésus ?
D’abord, elle s’étonne. Pourquoi ce juif vient-il lui parler à elle, la femme pécheresse, la « gourgandine » aux cinq maris comme on peut le lire dans certains commentaires ?
Puis, elle questionne, elle cherche à comprendre. Comment un homme sans rien pour puiser pourrait-il prendre de l’eau à ce puits ?
Dans la confiance, elle répond à l’appel, peut-être maladroitement, peut-être pour de mauvaises raisons. Donne-moi de cette eau, que je n’ai plus à puiser, à m’acquitter de cette tâche éreintante ! Délivre-moi de cette injustice de ma condition.
A la proposition de Jésus, elle révèle alors la vérité. Une vérité dérangeante. « Je n’ai pas de mari ». Ce travail de vérité, désagréable, coûteux, certainement, lui permet de reconnaître le Seigneur, en toute liberté.
Enfin, elle témoigne. Et de ce témoignage nait la conversion d’une communauté entière. Elle qui était la dernière, devient celle par qui vient le message du Seigneur.
S’étonner, questionner, répondre dans la confiance, faire vérité, témoigner.
Comment ces attitudes peuvent me rejoindre aujourd’hui ?
Peut-être ce qui me touche le plus dans la réponse de la Samaritaine est cette absolue confiance, dans cet homme, dans le chemin qu’il propose. Confiance qui la pousse à dévoiler y compris ses propres failles.
Faire vérité, dans la confiance, c’est reconnaître que dans cette anxiété de la situation écologique se cachent aussi mon propre rapport au monde, mon propre désajustement, mes blessures, mes failles. Et que si l’écologie est une lutte collective, elle est aussi un chemin de combat intérieur, ou plutôt, ou aussi, de paix intérieure.
Et d’une certitude, qui peut éclairer le puits le plus profond : quand nous n’avons pas la force de le chercher, Jésus vient s’asseoir à nos côtés. Il suffit de le laisser venir.

Clémence Pourroy

Clémence co-anime le podcast “Deux pieds dans le bénitier”, produit par le Ceras où elle travaille, et est par ailleurs élue locale écologiste. Elle est engagée dans son diocèse sur les questions écologiques. Elle a 37 ans, est mariée et mère de deux enfants.