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Bonne

Nouv.elle

!

— La parole inclusive du dimanche,
Du premier dimanche de l’Avent au dimanche de Pâques, un.e invité.e nous donne à entendre l’homélie dominicale.

S5 Episode 4

28/03/2024 – Jeudi Saint

Lecture de l’évangile : Claire

Homélie : Marie Fréalle

Textes du jour

Ex 12, 1-8.11-14
Ps 115
1 Co 11, 23-26
Jn 13, 1-15
(Lire les textes sur aelf.org)

Le texte de l’homélie

Cher.es adelphes,
nous y voilà, la période des 40 jours de Carême touche bientôt à sa fin. Nous aurons toutes et tous vécu ce Carême différemment. Chacune et chacun s’inscrivant à notre manière dans ce chemin qui nous mène à Pâques. Durant ce chemin nous sommes invités à accompagner Jésus Christ différemment selon les pratiques : cela peut être en jeûnant avec lui, pour d’autres en priant avec lui, pour d’autres encore en pratiquant l’aumône, parfois les trois à la fois.
Ou alors comme moi à tenter de trouver une année de plus la bonne manière de vivre ce Carême.
Comme beaucoup de protestant.es réformé.es – héritage Calviniste oblige – j’ai du mal à voir dans le jeûne une fonction méritoire particulière qui voudrait que l’esprit s’élève parce que le corps souffre.
Et puis à titre personnel après des années de maltraitance physique, sexuelle et psychologique intra familiale, je refuse farouchement de m’inscrire de nouveau dans un schéma de souffrance physique quel qu’il soit.
Non, je ne pense pas que Dieu s’accommode de nos souffrances.
J’ai aussi essayé de m’inscrire dans une prière quotidienne ou une méditation particulière. Et comme beaucoup d’entre nous, le temps, le travail, les enfants, dans mon cas en plus de tout cela les études de théologie protestante, en somme la vie quoi, tout cela a rendu mon projet bien plus compliqué que prévu.
Avec des prières tantôt oubliées, tantôt trop vite expédiées.
Dans les Évangiles lorsque Jésus prie il appelle Dieu « abba » qui signifie père en hébreu. « Abba » c’est le père de l’intimité du foyer, celui qui nous connaît comme un parent, celui à qui on peut dire « j’essaie abba, mais ce n’est pas facile et je n’y arrive pas toujours ». Celui à qui on peut adresser nos prières imparfaites.
Imparfait comme ce chemin qui nous a porté jusqu’au Carême.
Et en suivant ce chemin, chacune et chacun à sa mesure, plein d’humilité et de bienveillance envers les autres et envers nous-même, nous voici le jour du Jeudi Saint aux portes de Pâques.
Jeudi Saint, jour du dernier repas du Christ qui se prépare à mourir sur la croix.
Faisons une pause quelques instants. Je vous propose de jouer à un jeu, oui oui un jeu. Ce n’est pas très compliqué et je suis sûre que vous y avez déjà joué.
« Que feriez-vous si aujourd’hui était le dernier jour de votre vie? »
Profiter de vos proches j’imagine, de votre partenaire de vie, de vos enfants, parents, animaux, ami.es ? Vider le compte en banque et faire mille folies ?
Rester sous la couette et pleurer cette vie qui se termine angoissé.e par la mort ?
Prier, méditer ?
Rien de tout cela ?
Et en sachant que nous vivons les derniers instants de notre vie, prendre le temps de laver les pieds de nos compagnes et compagnons les plus proches , cela vous dit ?
Vous n’y auriez pas pensé ?
Moi non plus !
Et pourtant dans le texte que nous venons de lire «l’heure de Jésus est venue » pour citer l’Évangile de Jean. Et ce jour là nous dit Jean, Jésus choisit d’aimer ses disciples jusqu’à l’extrême en leur lavant les pieds.
Alors vous me direz cela pourrait entrer d’une drôle de manière dans la catégorie « passer du temps avec ses proches ».
Mais même du temps de Jésus, ce n’était pas un acte anodin et les disciples eux-mêmes ne sont pas tout à fait en phase avec l’idée que Jésus s’abaisse à leur laver les pieds.
Et pour cause !
A cette époque cette pratique sociale, certes courante pour montrer le bon accueil et l’hospitalité était accomplie par les esclaves. Imaginez donc la consternation des disciples qui voient leur Maître s’abaisser physiquement et socialement pour leur laver les pieds.
Et tout comme les disciples, ne sommes nous pas parfois nous aussi très gêné.es au moment de recevoir un acte d’amour, intense, gratuit et spontané. Chez nous aussi la gêne précède souvent la réception d’un tel cadeau.
Car Jésus ne choisit pas l’option « passer du temps avec ses proches » mais donner du temps à ses proches, tous, même Judas. Judas dont nous savons, dont Jésus Christ sait qu’il s’apprête à commettre l’acte qui le condamnera.
Comment comprendre alors cet enseignement que nous offre Jésus en ce Jeudi saint ?
Quelle est , cher.es adelphes, la bonne nouvelle que nous porte l’Évangile en ce jour ?
Bien sûr Jésus nous invite, suivant son exemple à nous laver les pieds les uns, les unes les autres. Il ne s’agit pas ici d’accepter d’être rabaissé.e physiquement face à une autre personne, d’accepter d’être dégradé.e en subissant une situation, mais de s’inscrire dans l’idée de nous servir les uns, les unes les autres, en nous inscrivant dans l’Amour. L’Évangile nous parle « d’une marque suprême de son amour pour eux », il n’est pas question ici de domination. La domination ce n’est pas de l’amour.
Jésus Christ nous invite surtout à vivre cet enseignement à la lumière de sa crucifixion à venir. « Ce que je fais, tu ne le comprends pas pour l’instant, tu le comprendras plus tard ».
C’est à la lumière de sa mort sur la croix et de sa résurrection à venir que ses disciples, et que nous mêmes qui croyons, comprendront son acte.
Par ce lavement de pieds Jésus nous lave toutes et tous, il nous purifie toutes et tous. C’est le cadeau qu’il décide de nous offrir avant de mourir sur la croix.
Par cette purification, le Christ nous offre le salut. Il nous l’offre à toutes et tous, sans condition, sans présager de nos mérites, de nos victoires, de nos vaines tentatives, de nos Carêmes à moitié accompli.
En ce jour de Jeudi Saint, je nous invite à accepter ce précieux cadeau que Jésus nous fait, ce cadeau de temps offert, d’amour offert, de salut offert.
Ce cadeau qui nous dit « Dieu nous aime, comme son fils Jésus Christ nous aime, d’un amour sans limite, qui que nous soyons, quelle que soit notre Église, notre parcours dans l’Église, la force de notre foi, la régularité de nos prières, quelle que soit notre identité de genre ou notre orientation sexuelle : le salut de Dieu nous est offert, personne n’est exclut de son cercle d’Amour ».
Ou pour le dire avec les mots simples et puissants de l’iconique Aretha Franklin :
People get ready, there’s a train comin’
Don’t need no baggage, you just get on board
All we need is faith to hear the diesel hummin’
You don’t need no ticket, you just thank the lord
AMEN
Marie Fréalle
40 ans. Pansexuelle. Mariée. Mère de 3 enfants. Dans la vie civile : cheffe d’un service juridique au ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Dans la vraie vie : protestante réformée, étudiante en théologie protestante à l’Institut protestant de théologie de Paris et en reconversion spirituelle pour devenir pasteure. A toutes heures : féministe intersectionnelle et soucieuse du respect et de la protection dû aux enfants.